Frédéric Oyharçabal : Pourrais-tu nous décrire ta proposition pour le centre d’art contemporain d’Istres ?
Harald Fernagu : Tu rentres, tu es face au reliquaire très coloré puis tu déambules entre les crânes et tu te trouves face au mur noir avec les quatre socles où seront posés les boliw – deux statues africaines, un casque de CRS et une matraque. Le reliquaire a une forte présence, comme les crânes et les boliw sur les socles. Il y aura aussi trois photographies de l’ensemble Les tribulations d’un curé de campagne (2009) car elles appartiennent à la vie de cette sculpture. Je voudrais également montrer un portrait de compagnon d’Émmaüs – Alphonse (1998) – en train de se suicider et deux images des Chercheurs d’or (2006). Dans la seconde salle, le spectateur sera confronté à des maquettes de cuirassés – Les jouets qui trainent (2014) – une version maritime et monumentale de la version de 2000 réalisée avec des chars.
F.O : Quel lien fais-tu entre les œuvres de la première salle ?
H.F. : C’est le thème de la mort, de la pratique religieuse, de la fonction symbolique de l’objet, du rituel. Après c’est faussement morbide. Le suicide du compagnon est un faux suicide ; ce sont des crânes en plastique.
F.O. : Tu abordes d’ailleurs cette parodie dans un texte sur tes photographies de compagnons d’Émmaüs : ils joueraient avec les rôles et les stéréotypes qu’on leur assigne.
H.F. : Je suis arrivé à Émmaüs, il y a une vingtaine d’années, par intérêt. Au départ, c’était pour fabriquer et récupérer des trucs dont j’avais besoin pour moi. Ce n’était pas du tout militant. Pendant très longtemps, j’ai refusé cette idée car je ne voulais pas qu’elle ôte mon naturel et les relations que j’avais là-bas. Pour tous les compagnons, j’étais un artiste alors que je ne l’étais pas encore à l’école des Beaux-Arts. C’était gratifiant. Quand tu es étudiant, tu cours déjà après une espèce de reconnaissance ; et l’avoir d’emblée – même si c’est un monde un peu à part – est déjà une réponse à une de tes questions. Du coup, cela m’a donné beaucoup de force parce que je n’avais pas besoin du regard du milieu de l’art. J’avais déjà mon milieu à moi. J’avais cette reconnaissance de la part de gens qui justement ont eux-mêmes des problèmes de reconnaissance.
F.O.: On perçoit une vraie connivence entre toi et les compagnons.
H.F.: Quelque chose de l’ordre de la complicité amicale. Moi qui n’aime pas l’esthétique relationnelle, je n’avais pas besoin de cet étiquetage car c’était bêtement du relationnel qui par le coup du hasard de ma pratique est devenu de l’art.
F.O : Quelle est l’intention à l’origine du choix des coquillages comme matériau de recouvrement de tes crânes ?
H.F. : La réponse ne va peut-être pas te plaire. J’avais déjà utilisé des pinces à linge pour faire un arc de triomphe, mais je n’ai pas trouvé d’entrée pour faire d’autres pièces. J’avais déjà utilisé des matériaux de récupération rouillés pour les maquettes d’avion et de chars, des techniques qui venaient des arts populaires et du bricolage, et j’en cherchais de nouvelles. Je me suis posé la question : « Qu’est-ce qu’on ne ferait surtout pas en art contemporain ? ». À Emmaüs, je suis à nouveau tombé sur des chouettes en coquillages et je me suis dit : « On ne ferait pas ça ! »
F.O. : C’est ton côté « sale gosse » ?
H.F. : …
F.O.: Lorsque l’on regarde certaines de tes pièces, on est surpris par l’aspect minutieux et long du processus de travail. Je prends l’exemple de ce crâne. Tu lui a fabriqué cette sorte de « coupe afro » constituée de dentales blancs.
H.F. : Ce processus est en quelque sorte un rituel initiatique, un don de ma temporalité. J’offre ma temporalité à un objet. Pour les crânes recouverts de coquillages, il faut une pince à épiler pour les coller un par un. C’est aussi cela que j’aime bien dans le bricolage des bateaux et des chars ; tu peux uniquement par le regard et par déduction, appréhender la temporalité. Dans une installation appelée Les Papillons (1999), j’ai montré une série de boîtes pour l’intérieur desquelles j’ai fabriqué de toutes petites armes. Les plus petites mesuraient entre deux et trois millimètres, les plus grandes entre trois et quatre centimètres. Je me suis enfermé durant deux semaines avec l’idée de jouer à l’obsessionnel car celui qui épingle des papillons dans des boîtes a vraisemblablement des obsessions sur la mort et en même temps, il adore la beauté de ces insectes, leurs couleurs. Je voulais m’immerger dans un processus semblable. C’était donc important de toutes les fabriquer, de me mettre au travail comme un ouvrier au service de mes idées et d’aller jusqu’au bout. En même temps, mes objets ont plein de petits défauts, de petites choses que je laisse comme des écartements entre les coquillages. J’assume cela complètement car je ne cherche pas à être dans la seule perception mais dans le geste. Je fais des objets qui ont leur propre densité de matière, de forme.
F.O. : Ce crâne-là pourrait être celui d’un chef de gang. Est-ce que ce sont des portraits ?
H.F. : Dans les ossuaires et les catacombes, il y a des accumulations de crânes, c’est anonyme. Dans l’ossuaire d’Hallstatt, dès la fin du xviiie siècle, on peint dessus de petits décors floraux ; ce sont des individus. J’utilise des crânes en résine ; ils ont été moulés à partir du même crâne. Ceci étant, je voudrais que l’on puisse imaginer des personnes.
F.O. : On les croirait sortis d’un cabinet de curiosité
H.F. : Je me suis fait une bibliothèque de données visuelles. Quand tu te mets au travail, tu oublies ce qu’elles sont individuellement pour en garder une espèce de mémoire globale. Pour ce crâne-ci, j’ai été contraint par ma collection de coquillages récupérés. Si j’en ai beaucoup de telle ou telle sorte, je peux aller loin. Si j’en ai peu, je dois trouver la place adéquate de chaque pièce en fonction de ses proportions et de la surface à recouvrir. Je sais quelle densité je veux avoir, mais je ne sais pas quels seront les coquillages qui vont pouvoir y répondre. Un choix en entraîne un autre. A contrario, pour le crâne couvert de billes d’acier, je savais exactement ce que cela donnerait avant même de l’avoir commencé. Le matériau était entièrement défini, le geste également. Seul le choix de l’arme parmi une centaine d’autres s’est fait à la fin en fonction du rendu des billes. Pour l’autre là-bas, la couleur verte a été mon point d’accroche. Je pensais aux masques de jade incas. Je lui ai donné un contexte… Celui là c’est « Moby dick ». Il est fait à partir d’objets et de galets glanés sur la plage avec mes enfants en Normandie. Il y aura, pas très loin de cette pièce, un vaporisateur d’eau. En effet, ce qu’il y a de magique avec les galets de verre poli, qui sont des résidus de canettes de bières des pêcheurs de la digue de Cherbourg, c’est que la couleur chante au contact de l’eau.
F.O. : Les crânes sont des pièces que tu rends disponibles au regard et au toucher, contrairement aux reliques – auxquelles tu sembles beaucoup t’intéresser – qui étaient très protégées.
H.F. : Au milieu du xviiie siècle, le clergé a des soucis avec les reliques. Pour qu’elles soient « performantes », elles doivent être touchées, embrassées. Or elles sont usées. Si on ne les protège pas, elles vont disparaître ; si on les protège trop, elles perdent leur pouvoir. C’est à cette époque que l’on a inventé le verre parfaitement translucide. C’est comme une espèce de miracle. Avant l’installation de ces vitres, il me semble que relique et reliquaire étaient distincts ; l’ostentatoire du reliquaire désignait la relique. Avec l’installation des vitrages, ils ne forment qu’un seul objet. On ne touche ni n’embrasse la relique mais la vitre du reliquaire. C’est un peu comme cette superstition qui prête à la photographie le pouvoir de voler l’âme des portraiturés. Les crânes et les boliw sont effectivement livrés au spectateur dans leur fragilité. Toutefois, l’objet initial est dissimulé sous l’ornementation. Elle le révèle autant qu’elle le fait disparaître. Quand tu regardes les bateaux, la même alchimie est en œuvre. Les objets récupérés et assemblés restent reconnaissables ; leur reliquaire, c’est l’image de bateau qu’ils construisent ensemble.
F.O. : Pourquoi as-tu fait le choix du carrelage pour recouvrir les parties pleines des socles ?
H.F. : Je veux renforcer l’idée d’architecture. Le carrelage, c’est la maison, et dans ce dispositif, c’est baroque ! La genèse de ces crânes vient des rituels macabres de Naples. À la fin de la Seconde guerre mondiale, les habitants se sont parfois retrouvés privés des corps de leurs proches. Ce fut une catastrophe pour eux car ils ne pouvaient pas faire leur deuil. Ils sont rentrés dans les catacombes, ont récupéré des crânes et creusé sur les lieux de petites niches dans les murs. Ils ont passé un pacte : « Je m’occupe de toi, et toi en échange, tu prends soin de mon mort ». Au fur et à mesure, les gens portaient un bouquet de fleurs en plastique, une photo de la personne disparue, un collier, une guirlande de lumière, rien de trop précieux. Ils recouvraient les niches de carrelage de récupération. À la fin des années 1980, Jean-Paul II a demandé à l’évêque de Naples de mettre fin à ces pratiques car l’église n’avait pas main mise dessus ; il n’y avait pas de prêtre pour organiser le cérémonial. Les catacombes ont été murées. Ce que j’aime dans cette pratique, c’est le rituel d’ornementation. Les gens mettaient beaucoup d’eux-mêmes.
F.O. : À ton exposition Pièces à conviction à la galeriofmarseille, en 2012, tu as commencé à montrer tes objets sur des socles colorés dont on pouvait voir l’ossature. Pour ton exposition au centre d’art contemporain d’Istres, tu organises la présentation des crânes et des boliw sur des supports semblables. Leur forme et leur configuration dans l’espace sont aussi complexes qu’à Marseille ; elles supposent d’être attentif aux relations entre l’objet, le socle, les autres objets, l’espace. les autres spectateurs.
H.F. : Mon travail sur le rapport du corps à l’espace vient de la pratique de l’atelier. Je me suis rendu compte en déménageant pour un atelier plus grand – j’avais commencé à faire des pièces monumentales – que très étrangement je me suis mis à faire de petites choses. La question que j’avais à résoudre, c’était la mise en espace. Le risque quand tu fais de petits objets, c’est que le spectateur se situe dans un rapport d’espace où l’œuvre
est réduite à ses simples dimensions. J’avais déjà finalisé quelques sculptures, c’est donc vers des questions d’architecture et de mise en espace que je me suis tourné. Le Placoplatre s’utilise beaucoup pour adapter les lieux aux contraintes des œuvres. Une fois l’exposition finie, tout est détruit. J’aime bien cette précarité. J’ai pensé mes structures comme une hybridation de socles et de cimaises. Le Placoplatre avec ses rails métalliques construit le socle qui présente l’objet et par déploiement protéiforme au sol et aux murs le fait fusionner avec l’architecture. La déambulation du spectateur fait partie du travail. Celui-ci délègue souvent la définition de l’espace dans lequel il entre parce que l’usage du lieu et sa signature l’ont fait pour lui. Cela veut dire qu’il ne la remet pas en cause, ne la renomme pas. Du coup cela créé des habitudes d’exposition qui sont un peu formatées. Mes socles restent ouvert sur deux de leur coté, les rails sont apparent. Cet inachèvement contredit l’exercice de normalisation du socle, ils s’imposent visuellement, physiquement mais restent suffisamment fragiles pour ne pas dominer l’objet. Le spectateur est parfois perdu, plusieurs fois certain ont marché sur les Placoplatre posés au sol, les ont cassés. Pénétrer un espace d’exposition c’est prendre une responsabilité. Cela ne doit pas être d’emblé confortable. Ne pas se protéger à tout prix du spectateur c’est s’en remettre à lui, à son effort de compréhension et d’adaptation. En ce sens, mes socles libèrent l’œuvre autant que le spectateur.
F.O. : Les quatre boliw que tu présentes sont conçus à partir de deux statues de style africain trouvées dans des marchés pour touristes, un casque de CRS, une matraque, un casque militaire que tu as combiné avec une des deux statues. Chaque pièce est recouverte de coquillages, peinte à la bombe en noir, et présentée sur un socle en placoplâtre vert ou rose pastel. Qu’est-ce qui a présidé au choix de ces objets ?
H.F. : Je cherche des objets précis dans lesquels préfigure déjà ce vers quoi je souhaite aboutir. Dans l’exposition Pièces à conviction, j’avais montré des pièces avec de vraies armes. Elles s’inscrivaient dans une sorte de jeu esthétique et sculptural dans un contexte de violences contemporaines, comme le conflit israélo-palestinien. À Istres, j’ai fait des choix moins militarisés visuellement. Et c’est pour cela que j’aime l’association du boli et des coquillages. Tu saisis une brutalité, mais tu la cantonnes à l’objet.
F.O. : Comme si l’objet était neutralisé.
H.F. : Comme si j’avais mis un poisson très dangereux dans un aquarium. Je pense que cette manière de « designer » – design – en apposant mes coquillages et en peignant le tout en noir, est une manière de circonscrire le feu sans l’éteindre. Je me suis amusé dans le choix des couleurs des socles à reprendre celles que l’on retrouve typiquement dans les musées ethnographiques.
F.O : Qu’est-ce qu’un boli ?
H.F. : C’est un « dieu-objet » des populations bamana (Mali) doté d’une énergie vitale – le nyama – dont l’ossature est constituée de morceaux de bois enduits d’un amalgame de crachats de matières végétales mastiquées, de sang de poulet, de boyaux, de fœtus. Sa forme quasi abstraite découle de ce mode de recouvrement constamment renouvelé car le boli doit être rechargé en permanence. Il peut avoir une grossière apparence humaine ou animale.
F.O. : La statue africaine de ce boli est juchée sur un casque militaire – Boli de Thiaroye (2014). Pourquoi ?
H.F. : C’est un casque français de la Seconde guerre mondiale. J’ai fait ce boli en ayant en tête le massacre des tirailleurs sénégalais dans la caserne de Thiaroye par la gendarmerie et les troupes coloniales qui eut lieu à Dakar en 1944. Le bilan officiel reconnu par François Hollande lors de sa visite officielle au Sénégal en 2012 est de 35 morts ; les archives font état du double. Cet autre-ci – Boli noir (2014) – a impliqué un rituel qui a produit la forme : les coquillages ont été poncés un par un à la meuleuse jusqu’à obtenir des sortes de pointes. Je choisis la forme géométrique que je veux appliquer en fonction de la forme de l’objet. Les boliw ont un côté très dessiné quand tu regardes leur profil. Ce qui est intéressant à mon sens, quand tu fabriques de telles pièces, c’est d’être à la fois dans la narration et dans la sculpture.
F.O : Crois-tu que l’art ait encore un pouvoir dans nos sociétés occidentales ?
H.F. : Quand tu possèdes une œuvre ou que tu lui donnes du crédit, qu’elle te nourrit, elle peut avoir la force d’un objet religieux. Elle ritualise ton quotidien. Elle « active » des pensées sans que tu aies besoin pour autant d’être face à elle.
F.O : Considères-tu que ton travail aborde des sujets politiques ?
H.F. : C’est toujours complexe de travailler sur des faits en lien avec l’actualité politique. Il y a à mon sens une question de légitimité. Quand je fais la maquette d’un mirador israélien – Pièce à conviction, 2011 – je ne parle pas du conflit, je parle de ma perception, en France, de ce conflit. Je ne me sers que des images que j’ai pu voir. C’est pour cela que ce sont des maquettes. On est dans la représentation de quelque chose. Je suis resté à ma place. Je ne crois pas au système de résidence où l’artiste est invité à séjourner avec sa bourse pour parler d’un problème local complexe. Il arrive que la question politique soit davantage l’occasion d’une démonstration de soi qu’un réel engagement et le milieu de l’art produit beaucoup de simulacres politiques ou sociaux. Tenir un travail militant fort sur une durée artistique est compliqué car cela demande un investissement temporel bien souvent en décalage avec la temporalité et la carrière artistiques. Si tu essaies de rentabiliser ton engagement politique, de l’optimiser dans une perspective individuelle, c’est que tu n’es déjà plus politique… Par contre, si l’on entend par politique, une transmission de parole et de questionnement alors je peux considérer que mon travail pose des questions d’ordre politique. Par exemple, le fait de montrer l’ossature des socles est un jeu sur les usages. Chaque spectateur est libre d’en apprécier les règles et aucune règle ne prévaut sur les autres.
F.O. : Regardes-tu l’art brut dans lequel il y a parfois un rapport obsessionnel au faire et au temps ? Je pense aux tableaux de villes et d’architectures imaginaires extrêmement détaillés de Marcel Storr, et plus proche de ton travail, en particulier les boliw, aux sculptures en céramiques de l’artiste japonais Shinichi Sawada.
H.F. : Je prendrai l’exemple des Jouets qui traînent (2014). C’est une installation assez simple. Une trentaine de bateaux de quatre-vingt centimètres de longueur à deux mètres cinquante sont répartis dans l’espace sur un plancher en bois. J’instaure un dialogue de proportion et de masse, entre le corps du spectateur et le matériau, dans un espace que j’ai pensé comme une scène de théâtre. La question de la guerre est induite par l’apparence illustrative des formes. Les morceaux de métal rouillés prennent par assemblage la forme de bateaux de guerre. Je m’amuse dans la fabrication de chaque pièce et je peux me mettre à l’écart de toutes autres questions. Il y a une logique des matériaux eux-mêmes, une sorte de liberté que l’on retrouve aussi dans les crânes. S’il y a de l’art brut dans mon travail, il se situe éventuellement dans cette mécanique où le corps a sa part et où l’esprit est libre. Toutefois, ces jeux ne sont possibles que parce que j’ai posé mes enjeux dès le départ.
F.O. : Ne joues-tu pas un peu à la guerre ?
H.F. : Un peu comme un enfant qui joue dans sa chambre. Les bateaux sont des croiseurs et des destroyers de la Seconde guerre mondiale, à part un qui a l’ossature d’un croiseur contemporain. Il y a certainement un côté romantique au sens de Delacroix peignant La liberté guidant le peuple, flamboyant, alors que le jour de la Commune de Paris, il était terré chez lui et avait fermé les volets tellement il avait la trouille. Delacroix rêve de ces épopées, mais il rêve, comme un pacifiste, d’être un héros de guerre. Je crois que je suis un peu comme ça.
F.O. : J’ai l’impression que dans ton travail, dans ton positionnement par rapport à ce que tu nommes le « langage classique de l’art contemporain », il y a quelque chose qui fait excès, déborde, n’est pas dans l’obsession du geste « intelligent ». Qu’en penses-tu ?
H.F. : Je ne suis pas quelqu’un de docile. Le conceptuel le plus aguerri, c’est peut-être celui qui a pris un livre dans la bibliothèque pour caler un meuble. « Ceci n’est pas un livre, c’est la cale du buffet du salon ».
F.O. : Dans ce cas précis, n’as-tu pas l’impression que tu charges de sens ce qui relève d’un pragmatisme trivial ?
H.F. : Le pragmatisme, même trivial c’est une forme de sagesse sociale. C’est également une question de territoire. On trouve les solutions dans la proximité, avec ce qui nous entoure, qu’elles soient techniques ou esthétiques. C’est un processus très incarné, ancré au sol.
Dijon, du 2 au 5 mai 2014
Frédéric Oyharçabal